lundi 8 février 2010

Le marketing n’est pas mort, vive le e-marketing !


Le Personal Branding trouve toute sa résonance dans l’évolution bottom-up du marketing. Pour créer de la valeur auprès d’une cible, d’un auditoire, d’un électorat, tout individu est appelé à se positionner en tant que marque. Et grâce aux nouvelles technologies, chacun a maintenant la possibilité de diffuser le contenu de sa marque de façon immédiate et planétaire, mais aussi la responsabilité de maîtriser sa réputation dans un réseau accessible et ouvert à tous où chacun peut contribuer au brand content des autres : le marketing est devenu participatif et social.

Les marques ne peuvent plus être sur-prometteuses ou manipulatrices, car la cible est :

  • Informée : 85% des internautes consultent les avis d’autres consommateurs, que l’acte d’achat soit fait sur internet ou non, et quelle que soit la catégorie de produits concernée (Ipsos, nov 09). Le consommateur n’a jamais autant eu l’occasion d’être influencé. Et dans un contexte trop souvent anxiogène, le discours marketing, s’il est bien mené, le rassure et l’accompagne. Ainsi, nombreuses sont les marques qui ont été inspirées par la crise économique pour reprendre la parole en communication à l’automne 2008, afin de réconforter les consommateurs, les inciter à s’évader, ou tenter de dédramatiser leurs difficultés financières en prenant le contrepied de l’humour.
  • Reliée : quel marketeur, en développant sa copy strategy, n’a pas rêvée d’atteindre le taux de persuasion du bouche à oreille ? Avec l’avènement du web 2.0, ce rêve devient réalité ! 90% des internautes déclarent faire confiance à des recommandations d’amis, 70% font confiance à des recommandations d’inconnus sur des blogs ou forums alors que seulement 42% déclarent avoir confiance dans la publicité. Les blogs et les media sociaux représentent donc autant d’opportunités pour les marques qui peuvent influencer, impliquer, convaincre des leaders d’opinion, prescripteurs et communautés d’amis à moindre coût et en toute immédiateté (par opposition aux contraintes du media planning traditionnel).

  • Exigeante : 54% des internautes attendent qu’on les considère comme des gens intelligents (Ipsos Nov 2009). Selon une étude Journal du net (fév 09) un tiers des internautes fréquentent un site de marque au moins une fois par mois. Le premier argument d'inscription sur un site de marque avancé par les personnes interrogées concerne la réputation de la marque : 52 % des sondés disent être prêts à s'inscrire sur le site d'une marque si cette dernière est réputée pour la qualité de ses produits, et 42% s’ils se sentent proches des valeurs de la marque… il faut donc une marque solide et un contenu de marque attractif. Il en va de même à travers les media sociaux : la marque doit être aspirationnelle !
  • Partie-prenante : 35% des 15-17 ans, sont adeptes du marketing participatif (Ipsos nov 09). Les jeunes adultes aiment donner leur avis, proposer des solutions aux marques. Je le constate aussi avec mes étudiants qui s’appropriant pleinement leurs projets de gestion de marque, débordant de créativité et de pertinence dans leurs recommandations. Certaines marques ont eu un rôle précurseur dans cette dimension de co-création mais les exemples restent encore rares pour les marques de grande consommation dont le territoire n'est parfois pas assez engageant.
    - M&M’s organisait ainsi dans les années 90 des élections nationales aux Etats-Unis (où la puissance de cette marque était colossale) pour impliquer les consommateurs dans la composition de l’assortiment : 9 millions d’américains s’étaient prononcés pour le choix du bleu comme nouvelle couleur et le soir des résultats l’Empire State Building avait été illuminé de bleu : énorme succès pour cette opération en phase avec les valeurs de la marque (proximité, modernité, partage) et les attributs du produit (vivacité et nombre des couleurs étant perçues comme autant de joyaux dans l’imaginaire du consommateur). Aujourd’hui M&M’s garde une longueur d’avance en investissant dans un concept d’achat 100% web, My M&M’s, qui permet de personnaliser les produits pour n’importe quelle occasion (couleurs, assortiment, emballage, message imprimé sur les bonbons).
    - Pour Carambar en 2000, j’avais organisé un concours d’histoires drôles et les 500 meilleures ont été publiées avec le prénom, l’initiale du nom et la ville de l’auteur, qui évidemment rachetait des Carambar et incitait ses amis à le faire pour retrouver son histoire imprimée. Maintenant, Carambar vous invite à laisser une annonce rigolote en vidéo sur son espace dédié sur YouTube.
    - Le cas de Danette qui propose depuis plusieurs années à ses consommateurs de choisir la variété qui sera lancée quelques mois plus tard, constitue aussi un bel exemple de synergie médiatique participative.
    - Après l’opération « la France vote Mir » qui incitait les consommateurs à élire leur produit préféré de la gamme en clin d’œil à l’élection présidentielle de 2007, Henkel a organisé un concours « dessine-moi Mir » en mai 2009 (campagne d’e-mailing, bannières, volet viral via des bloggeurs etc) afin d’impliquer les consommateurs dans le graphisme du packaging de la prochaine édition limitée de la gamme présente dans un foyer français sur deux.

Mais la dimension participative n’est qu’un aspect de la nouvelle donne liée aux media sociaux.

C’est désormais dans leur approche marketing globale que les marques doivent intégrer les media sociaux (études, communication, notoriété et image, plans publi-promotionnels).

Les données et analyses Forrester convergent pour illustrer la nécessité qu’ont aujourd’hui les marques de comprendre et maîtriser les processus d’influence et de création de contenu à travers les blogs et plateformes collaboratives.

Des conférences de presse sont maintenant organisées avec des bloggeurs, les journalistes aussi puisent leur inspiration dans les blogs. Le rôle des blogs corporate dans le renforcement de la cohésion interne des sociétés n’est plus à démontrer.

96% des membres de la génération Y sont membres d’un réseau social. 600 000 tweets quotidiens contiennent une information concernant une marque ou une entreprise, ¼ des recherches sur les 20 marques les plus connues aboutissent sur du contenu généré par les utilisateurs (source : présentation de Karine Toussaint sur l’utilisation professionnelle des blogs et media sociaux,
www.dix-katre.com).

Facebook compte maintenant 350 millions d’utilisateurs dans le monde (médiamétrie déc 09). Avec 15 millions de membres actifs (ayant utilisé leur compte dans les 30 derniers jours), Facebook touche près d'un quart de la population française. Les internautes américains passent plus de temps sur Facebook que sur leur mail. Aux Etats-Unis en 2009, les marques qui ont vu leur bénéfice le plus augmenter en 2009 sont celles qui se sont donné les moyens d’investir intelligemment et significativement dans les social media (comme Starbucks aux US qui compte 5,5 millions de fans sur facebook). (cf http://www.engagementdb.com/ étude WetpaintAltimeter de juil 09 sur l'efficacité des100 marques globales les plus engagées sur les media sociaux).

Cet investissement des marques envers les media sociaux demande du temps, de l’énergie et une bonne dose de savoir-faire… marketing : fixer des objectifs, mettre au point une stratégie, planifier des actions et choisir des indicateurs pour mesurer l’efficacité de ces actions (actes d’achats additionnels, nombre de commentaires, qualité des commentaires etc). Selon Alban Peltier (
www.looneo.com
), cette synergie entre la compétence marketing et l’expertise web est un facteur-clé de succès du marketing social : « la marque doit avoir validé son aptitude à créer une communication forte sans renier son ADN ». Une marque ne peut pas communiquer la même chose de la même manière sur tous les supports, il vaut mieux jouer la complémentarité. Des compétences d’écoute, vision, leadership et flexibilité sont essentielles pour entretenir une conversation performante et sortir du registre exclusivement mercantile dans cette gigantesque "cour de récréation" que constituent les social media. Les marques ont trop souvent tendance à se positionner sur les media sociaux pour occuper le terrain, faire de la figuration ou imiter les concurrents, sans avoir cherché comprendre en amont les freins et leviers du consommateur, ni analysé en profondeur la problématique business selon la cible qui se trouvera sur tel media à tel moment. Les erreurs de diagnostique peuvent alors être lourdes de conséquences…

En termes d’exécution, sur les media sociaux, la marque doit trouver le juste ton, l’accroche afin de créer du lien, impliquer la cible pour susciter un comportement durable d’adhésion : il ne s’agit pas d’être intrusif (les bannières hard selling montrant leurs limites), ni banal (un discours trop lisse sera tout simplement ignoré). Les stratégies gagnantes sont celles qui interpellent et impliquent le consommateur de façon intelligente et subtile avec une communication interactive et source de valeur. Pour Dominique Dufour (
www.managerunecommunaute.com)
c’est toute la problématique du Community Management . "Le responsable de communauté virtuelle a pour mission d’insuffler l’âme de la marque", faire émerger les feedbacks, canaliser les courants négatifs, dynamiser la qualité des contenus produits par la communauté, rebondir positivement sur les initiatives cohérents avec la stratégie de marque, ce qui permet de faire émerger des concepts porteurs, des insights… Pour cela encore, un réel partenariat avec la marque est indispensable : si, de son côté, la marque n’a pas clarifié son positionnement en amont, elle risque de se compromettre, de dériver de son territoire… et là c’est le flop assuré : rien de pire en termes d’image que d‘avoir 50 fans quand on a 95% de notoriété spontanée ou de voir sa communauté divisée, difficile à canaliser, qui dérape et vire au cauchemar ! Et si un mix produit n’est pas bon, il serait illusoire de penser qu’un community manager pourrait le rendre attractif !

Pour réussir son développement à travers les media sociaux, la marque doit donc définir une stratégie de communication adaptée à ses objectifs prioritaires (notoriété, image, taille de clientèle, fréquence, usage etc). Elle doit pouvoir à terme assumer sa prise de parole et sa légitimité en tant que marque afin de garder le canaliser et régler les contenus négatifs. La question de la dissimulation de la marque revient souvent : si la marque est solide, porteuse de sens et de valeurs, les experts s’accordent pour reconnaître qu’elle peut s'autoriser à agir en toute transparence, s’assumer en tant que marque, sans avoir besoin de se dissimuler sous une fausse identité qui serait vite démasquée. il en va de même en Personal Branding : si l'individu assume son parcours et sa vision pour communiquer sur ses projets de façon authentique et sincère, il sera crédible et reconnu dans sa spécificité et sa marque distinctive n'en sera que plus forte !

Les marques sont encore méfiantes envers les media sociaux en raison de l'incertitude du ROI et des enjeux de réputation

Internet représente 30% du temps média pour seulement 15% des investissements media des marques (TNS Sofres 2008) : une adaptation des plans media s'impose !

Mais l'animation d'une marque sur le web, telle un accessoire, est encore trop souvent reléguée aux services communication externe et souvent confiée à des juniors en charge de l'opérationnel des plans promotionnels, qui doivent soumettre chaque élément de contenu au service juridique, souvent excessivement prudents...

La stratégie web gagnerait à devenir être partie prenante de la stratégie d’entreprise via la direction générale et la direction marketing étant donnés l’opportunité qu’elle représente pour l’atteinte des objectifs business et les enjeux de réputation qui en découlent pour la marque, celle-ci étant le principal asset d'une société. Les prestataires de solutions web pour les social media recommandent une collaboration plus étroite avec les directions marketing pour tenter d’inverser les 20% de « success stories » médiatisées pour 80% d’échecs (ou absence de résultats) généralement passés sous silence.

La frilosité des marques envers les social media relève du manque de connaissance et d’historique, ce qui rend le ROI difficile à évaluer, là où les campagnes publicitaires classiques sont systématiquement pré-testées, rankées, optimisées, mesurées en impact direct sur les ventes journalières, avec des historiques et autres carrés magiques sur des critères d’efficacité extrêmement normés et prévisibles.
Le partage d’expérience est donc essentiel pour apporter le la réassurance et accompagner le changement intellectuel et structurel.

Et si la diffusion de la communication est démultipliée et peu onéreuse comparativement aux media traditionnels, la crédibilité d’une marque n’a jamais été aussi vulnérable.

Toute marque doit effectuer la veille nécessaire et si besoin capter les messages négatifs (ce que fait Air France sur Twitter en répondant systématiquement à tout message mentionnant la compagnie), régler les cas difficiles (clients mécontents etc), faire baisser le bruit en produisant du contenu positif… Il faut pouvoir évaluer les scenarii de façon proactive et s’adapter en permanence avec beaucoup de souplesse et de créativité sans dénaturer la marque. Et pour récupérer une dérive, le talent marketing est à nouveau sollicité : analyse de la situation, évaluation risques /opportunités, mise en œuvre d’actions correctrices, suivi et contrôle.

Ainsi, dans le contexte de mutation profonde que nous expérimentons sur ce formidable laboratoire que nous offre le web 2.0, les techniques et méthodes de développement de marques s’avèrent plus que jamais incontournables. Pour émerger durablement et convaincre, une marque doit effectuer une analyse exploratoire et mener une réflexion stratégique en amont, en fonction des objectifs et de sa vision. Ensuite, elle doit décliner, adapter, tester cette stratégie sur le plan opérationnel et veiller plus que jamais à l’excellence de l’exécution, sans oublier de soigner sa réputation de façon proactive. Et ceci est valable pour toute marque, qu’elle soit marque-produit, marque-corporate, marque-ombrelle, … ou marque personnelle !

Le marketing n’est pas mort, il est partagé, questionné, challengé, … pour devenir chaque jour plus intelligent !

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