jeudi 18 mars 2010

Symposium Nutreating "Food, Consumer and Health Claims"


Le 9 février j’ai participé au Symposium Nutreating organisé par le groupe AgroParisTech avec l’IREMAS (institut de recherche marketing sur les allégations santé) et Danone Research. Cet événement réunissait enseignants, chercheurs, professionnels de l’agro-alimentaire (études, r&d, agences packaging), instances régulatrices et représentants des consommateurs pour :
  • faire le point sur la perception des allégations santé par les consommateurs
  • cerner les principales tendances agro-alimentaires,
  • analyser les perspectives futures pour les allégations santé dans le contexte de nouvelle régulation européenne.

Voici une rapide synthèse des principaux enseignements de cette journée particulièrement dense, qui m’a permis de retrouver d’anciens collègues et de nouer des contacts pour les projets d’innovation sur lesquels je travaille : effectivement, pour convaincre, il ne suffit pas d’affirmer qu’un aliment est bon pour la santé ! Pour être source de valeur ajoutée, l’allégation doit être porteuse de sens pour le consommateur et permettre de construire sa confiance dans la marque ou le produit, tout en respectant les nouvelles contraintes règlementaires.

La tendance mondiale vers l’individualisation croissante de la consommation alimentaire (selon le modèle américain centré sur la nutrition et le dosage en calories) reste modulée au niveau national : ainsi 65% des ménages américains achètent des compléments alimentaires pour seulement 24% en France, la France reste le pays où l’on passe le plus de temps à table : selon Claude Fischer du CNRS, malgré la baisse de la durée des repas, les conditions de temps, de lieu et la dimension sociétale restent fortement ancrées au pays de Rabelais : à 12h30 54% des français sont en train de manger, vs seulement 17,6% des anglais à 13h30. Les travaux de recherche présentés témoignent d’un retour en force du naturel comme tendance de fond. Même si des études montrent l’acceptabilité de certaines formes d’enrichissement, l’ajout d’une substance aussi saine soit-elle ne rend pas nécessairement un aliment sain du point de vue du consommateur. La méfiance est grande envers les produits perçus comme trafiqués (cf Règle n° 8 du Eater’s Manuel de Michael Pollan : « Ne mangez aucun aliment avec allégation santé ! »).

Le rôle de l’alimentation santé a beaucoup évolué, d’une mission de prévention des carences (jusqu’aux 70 ‘s) vers le concept de nutrition optimale (depuis les 70’s : moins de sucre, moins de gras, moins de sel) jusqu'à l’arrivée de promesses fonctionnelles promouvant explicitement des bénéfices santé (alicaments, 90’s). L’Europe de l’ouest (Allemagne et UK en tête) représente un marché « nutrition santé » de 60 milliards de dollars (soit 36% du marché nutrition et santé mondial).

Le marché « nutrition santé » est vaste et hétérogène, Naturalpha propose la classification suivante :

  • les parnuts = denrées destinées à des populations spécifiques (sportifs, diabétiques)
  • les produits fonctionnels encore appelés alicaments comme Actimel, Danacol, Activia ou encore les margarines aux phytostérol,
  • les compléments alimentaires,
  • les produits de nutrition clinique pour les perfusés etc.

Selon un extrait d'une étude Euromonitor de 2008, présentée par Christophe Ripoll de Naturalpha, 54% des produits fonctionnels sont des produits laitiers, 21% sont de la confiserie et 14% des produits de panification. Au sein des boissons 33% sont des Sport Drinks, 21% des boissons aux fruits et/ou légumes, et 18% des boissons énergisantes.

Avec les progrès des biotechnologies, les fournisseurs d’ingrédients sont désormais moteurs dans le développement de nouveaux concepts en tant que support des promesses santé ciblées, ils sont réellement partie prenante du processus d’innovation. Les Innovations sont donc, plus que jamais, le fruit d’une coopération réussie entre le marketing et les scientifiques, avec en toile de fond : la prise de conscience des problèmes de santé publique (obésité, diabète, allergies), les campagnes éducatives envers les consommateurs et incitatives envers les industriels
et l’évolution de l’environnement règlementaire.


Source Naturalpha, Sial 2008


Les données du Crédoc confirment l’importance stratégique du marché des aliments avec promesse santé (30% des yaourts consommés sont des yaourts santé), bien que mature, il affiche une croissance de +13%. C’est que 85% des français affirment faire attention à leur alimentation pour préserver le capital santé (dont 21% qui se disent adeptes de nutrition et 5% d’obsédés de la balance). Il me semble important de préciser que les produits fonctionnels bénéficient d’une bonne image en France (santé équilibre) s’ils offrent un bénéfice distinctif et scientifiquement crédible. L’échec de Coca Cola Anti-oxydant et de Danone Essensis illustrent cette idée : les yaourts ont une action bénéfique crédible sur la santé car ils contiennent des ferments qui agissent au niveau de la barrière intestinale, mais leur effet sur la peau apparaît moins immédiat, plus compliquée à expliquer et surtout d’autres produits sont plus légitimes pour apporter ce bénéfice beauté…).

Selon Innova Database, les promesses « poids » et « énergie », floues et peu ciblées, voient leur nombre d’innovation reculer (de 35 à près de 15% des produits lancés) et sont désormais supplantées par des claims plus spécifiques sur la santé digestive (passant de 6 à 12% des lancements), l’immunité, le mental, les os et bien-sûr la santé cardiovasculaire au sens large et de plus en plus, de façon spécifiquement ciblée : ainsi selon une étude Business Insight de 2007, la promesse de santé "anticholestérol au sens large" concerne 43% des produits santé cardiovascluaire lancés, vs une promesse spécifique sur la pression artérielle pour 13%, une promesse ciblée de réduction de maladie cardiovasculaire pour 12% et une promesse précise de baisse du taux de cholestérol pour 32%

D’un point de vue fabricant, le nombre de dossiers soumis à l’EFSA atteste que les ingrédients phares sont les fibres, les omégas 3 et les phytostérols.

D’un point de vue consommateurs, les ingrédients à l’origine de promesses nutrition-santé peuvent être classifiés en 3 catégories selon leur degré de notoriété (étude de l’université de Gent, Pr. Wim Verbeke, Belgique) :

  • Bénéfice santé est bien connu du grand public : les vitamines, minéraux et fibres.
  • Bénéfice perçu dont la notoriété se développe : bétacarotène, antioxydants, omégas 3
  • Effets et modalité d’action dans l’organisme encore flous : isoflavours, probiotiques, polyphénols, stérols

L’attractivité d’une allégation lié à la présence d’un ingrédient actif pour la santé pour le consommateur est corrélée au degré de connaissance de cet ingrédient et à la légitimité de la catégorie de produit pour le contenir (univers « santé active » sera plus légitime que des produits orientés gourmandise indulgence). De plus, il est plus facile pour les consommateurs de concevoir l’ajout d’oméga-3 dans des produits processés tels les yaourts alors que leur incorporation dans un produit brut (viande…) serait contre-nature (ou impliquerait une modification de l’alimentation animale en amont). L’ajout d’un claim santé permet aussi de bénéficier d’un effet de halo positif quand, les consommateurs projetant plusieurs bénéfices sur le claim : par exemple un produit anti-cholestérol sera d’emblée perçu comme à faible teneur en matière grasses.

L’European Food Safety Authority effectue de façon centralisée une évaluation à priori des claims et doit rendre un avis sur tous les dossiers d’allégation soumis par les industriels. L’EFSA établit une liste de claims positifs permis selon le profil du produit, en tenant compte du profil nutritionnel du produit (pour éviter par exemple qu’un produit trop riche en sel ou matières grasses n’utilise des allégations santé pour d’autres nutriments ou vitamines). Cette nouvelle réglementation permet aussi l’émergence d’un nouveau type de claims attestant de l’efficacité du produit ou d’un de ses composants pour réduire les risques de maladies à condition que l’efficacité de ces claims santé soit confirmée par la publication d’études cliniques, le processus est lourd avec des délais longs, beaucoup d’inertie est observée dans la mise en œuvre de cette réglementation. Les contraintes liées aux nouvelles règlementations et les initiatives des instances consultatives interministérielles comme le Conseil National de l’Alimentation devraient permettre de restaurer la confiance des consommateurs, parfois défiants envers les innovations. Selon le CCLV, deuxième association de consommateurs après UFC Que Choisir, les attentes consommateurs résident en une offre abondante, diversifiée, à des prix raisonnables, exempte de résidus médicaux ou phytosanitaires, assurant un bon développement et une bonne santé, proposant : de bonnes qualités organoleptiques, une certaine praticité (80% d’urbains), et une réponse aux contraintes environnementales.

La crédibilité se construit donc avec le regroupement de compétences, le support de publications scientifiques consensuelles et le soutien du corps médical, trop souvent défiant. La santé étant un bien public, les instances régulatrices étatiques doivent investir dans l’éducation du consommateur car chacun se construit sa propre vérité (l’amalgame est souvent observé entre Bio, Equitable, Proximité, Naturel). Une réelle politique d’innovation devrait voir le jour à travers des actions d’orientation des industriels, mais aussi une meilleure connaissance du consommateur qui devient réellement partie prenante avec la dimension participative du marketing.

Concernant la communication packaging, toute la complexité est de délivrer de plus en plus d’informations (promesse nutrition/santé, intitulé pour le consommateur, dénomination légale, mention allergène, valeurs nutritionnelles, certification éventuelle… sur une surface d’expression qui tend à se réduire avec la réduction des sur-emballages).

Les facteurs qui suscitent l’intérêt (implication, connaissance, influence) envers des allégations santé on pack sont :

  • la présence d’un individu malade ou à risque au foyer
  • la croyance dans l’effet santé (source sûre, démo, reason why)
  • le degré d’information sur le sujet
  • l’âge de la cible

Pour compléter, il me semble important de rappeler que la qualité organoleptique reste un pré-requis, pour garantir le succès d’une innovation fonctionnelle (le meilleur exemple serait Activia dont le succès réside aussi dans sa qualité gustative exceptionnelle).

Les études présentées sur les allégations en face avant de packaging montrent que :

  • les claims nutritionnels consolident la crédibilité (=> rôle de réassurance)
  • les claims santé sont sources d’attractivité, à l’origine d’intentions d’achat favorable, et de confiance (=> levier d’agrément et de persuasion)
  • les claims liés à la réduction de maladie se heurtent à des barrières crédibilité et ne drivent pas l’intention d’achat (=> anxiogènes ?) Dès lors, quid des études cliniques pour l’EFSA ?!
  • Une bonne hiérarchie des messages permet de rassurer et d’éviter l’incertitude.
  • Les claims courts sont les plus efficaces (une évidence!)

Après ce panorama d’experts riche d’enseignements, les recherches sur le comportement du consommateur menées par P. Gomez (Reims Management School) relatives à la théorie d’orientation régulatrice de Higgins (1997) ont retenu toute mon attention : ce théorie permet de distinguer deux typologies de comportements chez les consommateurs de produits nutrition-santé. :

  • les orientations de promotion
  • les orientations de prévention

Si ces deux orientations résultent de prédispositions naturelles liées aux expériences de socialisation durant l’enfance, elles sont aussi liées au contexte culturel (les sociétés individualistes privilégiant les comportements de promotion). Des recherches sont en cours pour établir une grille d’analyse permettant d’identifier la tendance d’une cible pour une catégorie de produits. Alors, selon qu’une population sera classifiée « promotion » ou « prévention », les motivations pour les produits nutrition-santé diffèreront (atteinte d’un idéal / crainte et évitement de maladie), comme le traitement de l’information (approche holistique, hédonique centrée sur l’accomplissement / approche analytique, protectrice centrée sur la sécurité). Le schéma de conviction pourra donc être adapté dans la copy strategy selon l’orientation dominante d’une cible : promesse de gain avec présentant les conséquences positives du bénéfice / promesse d’évitement dramatisant la non utilisation du produit. Cela m’évoque une typologie consommateurs qui, à l’issue de focus groups Danacol, mettait en exergue une cible orientée prévention, « les inquiets » : ayant besoin de réassurance pour l’efficacité du produit pour réduire le risque de maladie et une cible orientée promotion, « les vigilants » : adeptes d’une prise en main proactive et positive dans une optique d’épanouissement durable de leur santé. Chaque cible avait nécessité une exécution produit distincte autour d’un bénéfice transversal marque, ainsi qu’une recherche d’insights, des codes et exécutions publicitaires adaptés.



cible : inquiets


cible : vigilants

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